Après Alexander McCall Smith, qui a situé les aventures de Mma Precious Ramotswe au Botswana, Michael Stanley choisit aussi ce pays, plus précisément le désert du Kalahari, pour la première enquête de David « Kubu » Bengu, inspecteur en chef au CID de Gaborone. Kubu, l’hippopotame en setswana, fait référence à son physique, mais aussi à la capacité qu’à l’hippo, herbivore apparemment paisible, à foncer sur ceux qui font intrusion sur son territoire.
Là s’arrête la comparaison, car la première dame détective du Botswana et l’inspecteur ne traitent pas des mêmes affaires : les petites escroqueries et les maris volages pour Mma, les manipulations financières de haut vol et les crimes de sang pour l'inspecteur. Donc, suite à la découverte d’un cadavre défiguré en plein désert, abandonné à l’appétit des hyènes et des vautours, Kubu enquête sur les propriétaires et les actionnaires d’une mine de diamants. Sur fond de jalousies familiales et de conflits d’intérêts, le roman associe une affaire criminelle à une manipulation administrative et financière complexe autour de filons diamantifères et de pierres importées illégalement de l’Angola proche. Les investigations se concentrent sur les membres, loin d’être tous au-dessus de tout soupçon, de la famille Hofmeyr et sur la Botswana Cattle and Mining Company. Alors que tous jouent double ou triple jeu et que les morts s’accumulent, l’inspecteur Bengu enquête entre Gaborone, le Kalahari et l’Afrique du Sud. Le dernier chapitre, rassemblant non pas les suspects comme dans le roman d’énigme, mais les personnes liées à l’enquête, apporte des explications, pas totalement convaincantes.
Avec un roman de plus de 600 pages en version poche, Stanley s'est laissé emporter par son histoire et n'évite ni les situations peu crédibles ni un dénouement un peu court. Une bonne centaine de pages en moins et une solide relecture auraient été utiles. Ce qui rend toutefois Un festin de hyènes attachant, et explique en partie le succès de la série, est le personnage de l’inspecteur Bengu. Ce géant paisible à l’appétit féroce, amateur de bons vins, de cricket et d’opéra, attire la sympathie, d’autant qu'il est entouré d’une famille presque parfaite (c'est un bon fils et un mari aimant) et de collègues aussi efficaces que sympathiques, même si son chef se montre parfois un peu abrupt.
Il faut donc prendre ce livre pour ce qu’il est : un roman policier honnête, entre énigme, procédure et thriller, qui pourrait avoir pour cadre n’importe quel pays concerné par l’exploitation de ressources minières ou pétrolières. Il ne permet guère en effet au lecteur de découvrir, comme avec les romans de McCall Smith, l’univers botswanais : le travail dans la mine est décrit de façon sommaire, la situation des Bushmen du Kalahari est à peine mentionnée, les descriptions du désert et de Gaborone sont minimalistes, le dipheko, rituel magique pouvant aller jusqu’au meurtre, n’est évoqué que de manière fortuite.
Ce dernier thème, à partir de la disparition en 1994 d’une jeune fille certainement victime d’un assassinat rituel. est l'objet d'un autre roman de Stanley, Deadly Harvest (2013) et a inspiré Mma Ramotswe détective (1998) de McCall Smith ainsi que Les cris de l’innocente (2002) de la Botswanaise Unity Dow.
Michael Stanley, Un festin de hyènes, trad. fr. de A Carrion Death (2008) par Nicolas Thiberville © Paris, Jean-Claude Lattès, 2011.