Mike Nicol a débuté en littérature par le roman policier classique avant que ses polars noirs (hard boiled) le placent la parmi les écrivains les plus connus d’Afrique du Sud. Power Play, la suite de la trilogie (Playback, Killer Country et Black Heart) des aventures de Mace Bishop et Pylon Muso — deux anciens trafiquants d’armes reconvertis dans la protection des touristes et des personnalités — ne déroge pas à la règle. Il y a de l’action (fusillades et exécutions sommaires) et de la viande froide dans Power Play, les luttes entre gangs pour le contrôle des territoires et des trafics, ici les ormeaux dont les Chinois sont friands, étant sans merci. De coups bas en vengeance, d’accords négociés en trahisons, les choses s’enveniment, ce qui incite certains au plus haut niveau à rentrer dans le jeu. Dans quel but : mettre de l’ordre ou de contrôler ? Là est toute la question.
C’est très enlevé, la narration est efficace — l'auteur omniscient passe d’un point de vue à un autre et des transcriptions extraites du dossier d’un indic concluent les chapitres — et les dialogues sont percutants. Ceux qui ont aimé la trilogie seront heureux d’avoir des nouvelles de Mace et de retrouver sa fille Krista, ancienne des forces spéciales, qui a repris l’agence paternelle avec une amie. Avec comme mission d'escorter deux Chinois en voyage d’affaires et de protéger la fille d’un gangster en indélicatesse avec ses confrères. Cela ne se passera pas sans heurts, mais l’Afrique du Sud est un pays de violence où, dans certains milieux, la vie ne vaut pas cher. Mike Nicol sait tout cela et le décrit sans concession ; ancien journaliste et biographe de Mandela, il connait bien le contexte politique d’un pays peu regardant sur les façons de soutenir son développement économique. Au-delà de la guerre des gangs, Power Play reste un livre intéressant sur les visées des investisseurs chinois - les « nouveaux envahisseurs » - dans la nation arc-en-ciel et, plus généralement, sur le continent africain.
Nos Chinois sont ici pour une mission commerciale. Ils rencontrent des ministres, des types des mines, des politiciens, des agents immobiliers, des avocats, dans tout le pays. Vite, vite, les Chinois débarquent. Va jeter un œil. Y-a pas un seul village où y-a pas un Chinois. Ils sont partout, c’est les nouveaux envahisseurs.
Power Play est un bon roman même si l'on peut regretter que le roman policier sud-africain tourne trop souvent autour des gangs métis (coloured) des Cape Flats et que l’évocation d’une société de plus en plus injuste et dominée par la loi du plus fort— « On a toujours l’occasion de rendre la justice. Rarement de manière légale. » — justifie des descriptions souvent complaisantes. Quant à ceux qui souhaiteraient s’évader de la province du Cap, direction le veldt ou le désert, il liront Justice dans un paysage de rêve de Mala Nunn et Les milices du Kalahari de Karin Brynard.
Mike (Nicol, Power Play (Power Play, 2015) © Paris, Seuil, 2018.