James McClure (1939-2006) a été l’un des premiers auteurs de romans policiers sud-africains, si l’on excepte Alan Scholefield et Peter Abrahams dont les ouvrages les plus connus, respectivement Les aigles du mal et Une nuit sans pareil sont plutôt des romans d’aventures. Après une entrée remarquée en 1971 avec Le cochon qui fume, le le succès se confirma l’année suivante avec Le flic à la chenille, la deuxième enquête du lieutenant Tromp Kramer et de son adjoint, le sergent Mickey Zondi.
Suite à la découverte du corps d’un adolescent étranglé et mutilé près d’un terrain de golf, l’enquête est confiée à Kramer, qui ne tarde pas à faire le lien avec une autre affaire, la noyade d’un jeune américain dans la piscine d’un couple d’Anglais. La procédure est classique : autopsie, recherche d’indices, enquête de voisinage et intense réflexion du lieutenant et de son adjoint… Les choses se compliquent quand il s'avère que le garçon assassiné, Boetie, appartenait au Club des détectives amateurs, une structure dont les membres — de jeunes afrikaners bien propres sur eux — obtenaient de droit de « coopérer » avec la police locale, et qu’il s’est à ce titre impliqué avec ardeur à faire appliquer les lois raciales et politiques du régime. Mais à trop jouer avec le feu…
Et encore une chose, Pembrook, méfie-toi de l’erreur que Boetie a commise quand il a voulu jouer au détective : nous ne devons pas baser nos raisonnements sur la classe, la couleur ou la religion. Ses préjugés lui ont coûté la vie.
Le flic à la chenille a pour cadre la région de Durban pendant le régime de l’apartheid. Cela en fait, avec Mêlée ouverte au Zoulouland (1971) et Outrage public à la pudeur (1973) de Tom Sharpe, l’un des rares romans policiers se passant à cette époque. Bien que James McClure ne se prononce pas pour ou contre le système, ses relations avec Zondi montre une complicité certaine, ce qui le place en porte-à-faux parmi les collègues de son commissariat. Ainsi, l'enquête du policier afrikaner et de son adjoint zoulou permet d’évoquer les relations et les tensions entre communautés, noire, indienne et blanche, mais aussi anglaises et afrikaner. Ce que Kramer résume avec son humour cynique :
— Deux cognacs et l’annuaire Sammy.
Le serveur ne s’appelait pas Sammy, mais les Blancs faisaient la distinction, au sein de représentants de sa race, entre les unités nommées Sammy et les unités nommées Mary, afin de faciliter les relations amicales.
Ni pamphlet politique, ni étude sociologique, le roman de McClure est un excellent roman policier « à l’ancienne » qui est aussi un témoignage sur un pays où règnent le racisme (Kramer faisant exception si l’on en juge par ses relations avec Zondi) mais aussi la bigoterie. On retiendra par exemple que le pasteur de l’Eglise réformée hollandaise, qui a soutenu la mise en place des lois de l’apartheid en 1949, souhaite que le concubinage soit considéré comme un crime.
James McClure, Le flic à la chenille (The caterpillar cop, 1972) © Paris, Gallimard, coll. Série noire, 1996.