
Qui a intérêt à déstabiliser la république du Voulou, un rare exemple réussi de développement économique et du dialogue Nord-Sud, et à faire chuter son Président-Fondateur, le « Bien aimé » ? Qui a commandité les assassinats de deux hommes d’affaires français, venus concrétiser de juteux contrats ? Tout cela est-il-lié ? Pas si simple, mais les événements suscitent assez d’inquiétude pour alerter les services spéciaux de la CEDEAO et envoyer à Kango l’agent spécial sénégalais Bara Ndiaye.
Il ne manque rien dans Fureur noire à Kango de ce qui faisait en 1988 le bon polar d’aventures, africain ou non. Et, si l’on en croit la quatrième de couverture tous les ingrédients – sadisme, sexe, crimes –sont réunis, ce qui est un peu trompeur et racoleur : des crimes certes mais c'est la loi du genre, pas vraiment de sadisme et question sexe, des scènes un peu chaudes mais pas de quoi faire concurrence aux SAS d'alors.
Au niveau de l’intrigue, le roman tient bon et l’on se prend à s’intéresser à cette tentative par des hommes d’affaires proches du pouvoir de prendre sérieusement le destin du pays en main et de se débarrasser d’un régime qui connait certes des résultats encourageants – maîtrise des outils de production, autosuffisance alimentaire, etc. – mais est jugé trop proche des militaires à leur goût. Derrière de gigantesque complot, qui s’appuie sur des opposants en exil, se profile l’éternelle querelle du libéralisme contre l’étatisme, le libéralisme consistant ici pour ceux qui le prônent à s’enrichir un peu plus….
Bien, reprit Kakou, je crois que nous sommes assez avancés maintenant pour agir avec fermeté. Ce ne sera pas si près du but que l’on se laissera coiffer au poteau. Nous avons beaucoup fait, trop fait même, pour une redistribution des cartes au Voulou. Nous n’avons jamais reculé devant qui que ce soit encore moins un petit fouineur de Sénégalais à la manque.
Si les thèmes sont encore et toujours d’actualité, le style date un peu et le lecteur d’aujourd’hui se lassera peut-être vite de l'abus de stéréotypes : un agent spécial sans peur et sans pitié, des chefs efficaces, une belle complice des comploteurs aussi traîtresse que fatale, des méchants très méchants, etc. On peu aussi sourire de l’exotisme dont joue l’auteur, qui atteste du désir de dépasser la cible, privilégiée, du lectorat local, pour toucher de lecteur européen, dont la tâche est facilitée par des notes de bas de page.
Pas de grand suspense donc dans Fureur noire à Kango, car comme l’écrit Iba Dia dans un autre roman, Mission à Libreville, « comme dans toute bonne fiction politique, la raison d’Etat finira par triompher. » et le Président-Fondateur, le ‘Bien aimé » en sera quitte pour un nouveau discours.
Iba Dia, Fureur noire à Kango, © Paris, Nouvelles édition africaines, 1988.