Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Dès les premières pages La bombe africaine rappelle les premiers romans d’espionnage : l’intrigue est simple, les scènes d’action sont convenues et les protagonistes stéréotypés. Le roman raconte l’enquête du commissaire Sikkim, un flic super-héros rompu à tous les sports de combat, sur la mort suspecte d’un grand savant sénégalais. Aidé de son équipe et d’un ami avocat, il affronte des méchants à la solde d’une puissance étrangère suprématiste. Le Sénégal de la fin des années quatre-vingt était très influent au sein de l’OUA qui pourfendait le régime de Pretoria.

Comme il le précise dans sa dédicace, Abdou Fouta Diakhoumpa a écrit ce roman en 1988 pour amuser son jeune frère qui s’ennuyait pendant l’hivernage et a choisi de pasticher les romans d’espionnage qui connaissaient alors un certain succès en Afrique. Car, inspirés par les auteurs américains ou européens qui situaient les exploits de leurs agents spéciaux sur le Continent, des Africains avaient franchi le pas. Après le Nigérian Kole Omotoso et Fella’s choice en 1974, les francophones avaient suivi, avec les huit romans des Archives secrètes du B.S.I. (1976) dans lesquels Scorpion l’Africain combat les attaques menées contre le Congo, la Côte d’Ivoire ou l’Angola. Le genre a perduré quelques années avec Cameroun/Gabon : le D.A.S.S. monte à l’attaque d’Evina Abossolo en 1985,  les romans d’Iba Dia (Fureur noire à Kango en 1987 et Les nuits rouges de Dakar en 2004) et No woman, no cry (1986) un récit plus ambitieux dans lequel Asse Gueye associe avec brio la lutte politique à l'espionnage.

Fidèle aux codes de cette littérature populaire, Diskhoumpa multiplie les clins d’œil : l’agent secret contre lequel lutte la police sénégalaise est un clone de Malko Linge, le héros de la série des SAS, les références à des marques publicitaires sont nombreuses, les scènes d’action faisant la part belle au jeune policier s’enchainent… Seule entorse aux conventions, pas de violence extrême ni de scènes amoureuses torrides dans La bombe africaine, l’auteur s’étant adapté à son jeune lecteur.

Il faut donc replacer le roman dans son contexte et le lire comme un témoignage sur une époque marquée par la décolonisation mais aussi par les tentatives d’ingérence de grandes puissances dans les affaires de pays nouvellement indépendants. Au niveau de la politique intérieure du Sénégal, Diakhoumpa n’élude pas les problèmes en évoquant longuement les grandes grèves étudiantes de1984.

La bombe africaine aurait certainement trouvé sa place sur le marché du roman policier et d’espionnage au moment de sa rédaction et ne le publier qu’en 2020 est surprenant. Mais le roman reste imparfait : la progression de l’enquête est souvent confuse, les raisons de l’l’élimination du scientifique ne sont pas données au lecteur (sauf dans la quatrième de couverture !), la conclusion de l’enquête et l’arrestation des coupables sont traitées en à peine une page. On peut également regretter qu’une relecture n’ait pas permis d’améliorer le style en supprimant les lourdeurs, les redites et les problèmes de concordance des temps qui parsèment le récit.

Abdou Fouta Diakhoumpa, La bombe africaine © Paris, L’Harmattan,2020.

 

 

Tag(s) : #Afrique de l'Ouest, #Romans en français, #Sénégal, #Ingérence & déstabilisation
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :