Akim et Agathe Aboyaké forment un jeune couple de la petite classe moyenne commerçante d’Abidjan. Leur vie semble réglée jusqu’au jour où deux « missionnaires » les embarquent chez les Chtistiantins, une secte fondée au début des années cinquante à Ibadan au Nigéria et dont le principe tourne autour de « l’éternelle trinité » : le corps (purifié par une discipline de vie rigoureuse), l’âme (libre au point de pouvoir se réintégrer) et l’esprit (saint et ouvert aux paroles du Seigneur). Mais l’implication d’Agathe atteint un tel point qu’elle quitte son mari pour un « frère supérieur », ce qui conduit Akim à aller plaider sa cause au siège, à Ibadan. Mais le haut dignitaire avec qui il s’est entretenu est retrouvé égorgé quelques heures plus tard…
Cette histoire d’un homme qui veut sortir sa femme du guêpier dans lequel elle est tombée et qui est accusé à tort d’un assassinat est assez simpliste et n’évite pas les bons sentiments : il y a les bons et les méchants et la justice finit par l’emporter, du moins en partie. L’arrière-plan est toutefois intéressant si l’on garde à l’esprit le développement phénoménal en Afrique – en dehors des Etats fortement islamisés – des mouvements évangéliques et pentecôtistes, soit de grandes églises fondées non plus par des missionnaires européens mais par des pasteurs africains, principalement en République Démocratique du Congo, au Cameroun, au Kenya, au Nigéria ou au Ghana, et qui attirent autant les populations précaires que les classes moyennes et même les élites. De quoi inspirer Khioud Sakanoko, qui, dans Le secret des Christiantins, décrit les activités d’une organisation plus sectaire que religieuse avec ses célébrations, ses cérémonies d’initiation et ses incantations allant jusqu’à la transe. Un mouvement tout autant mercantile, grâce à des « cotisations moralement obligatoires », que spirituel, qui exerce une emprise sur ses membres pouvant aller jusqu’à l’élimination de ceux qui transgressent les règles.
« C’est l’histoire classique, répondit Akess Bi. Une secte à deux visages. D’un côté des activité dolosives connues seulement par un cercle restreint, je dirais un ou deux pour cent des disciples, et de l’autre, des activités eucharistiques servant de couverture, plus médiatisées et connues par les quatre-vingt-dix-neuf pour cent restants. Et quiconque présente un danger pour la première activité doit être éliminé physiquement. »
En dépit de son côté convenu et d’une intrigue policière très classique, avec un homme accusé à tort innocenté grâce à un détective privé expérimenté, le roman de Khioud Sakonako plonge le lecteur dans la réalité des sectes et des églises du réveil. Les éléments du roman policier sont bien là et, si la conclusion est heureuse pour les protagonistes, elle reste amère, vu la quasi impossibilité de mettre fin aux activités d’une structure qui ne recule devant rien, semble avoir des oreilles partout et qui, surtout, sait que l’avenir lui appartient : « De toutes les façons, que ne disent pas les journaux et les télévisons sur les sectes dans le monde. Cela ne nous empêche pas d’avoir des milliers de nouveaux fidèles tous les mois. »
SAKANOKO Khioud (2002), Le secret des Chrisitiantins, Abidjan, Nouvelles Editions Ivoiriennes.