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 Ecrire en 2011 un roman policier se déroulant dans l’Afrique du Sud de 1952 est intéressant, alors que les lois raciales déjà sévères instaurées par le Parti national venaient d’être renforcées pas la loi sur l'immoralité de 1950  (Immorality Amendment Act) qui pénalisait les relations sexuelles entre blancs et non-blancs (elle ne sera abrogée qu’en 1985). Car si le régime de l’apartheid (le « développement séparé » selon la terminologie alors en vigueur) régit la vie des protagonistes dans Justice dans un paysage de rêve, ce sont les relations personnelles et intimes qui sont au centre de l’enquête que mène Emmanuel Cooper, un inspecteur de Johannesburg, sur l’assassinat d’un capitaine de police dans une région proche du Mozambique et du Swaziland.

Les nouvelles lois ségrégationnistes officialisaient l'idée que la tribu noire et la tribu blanche avaient été créées par Dieu pour vivre séparées et se développer parallèlement. Chacune avait sa propre sphère naturelle. 

Dans cette histoire mêlant le crime à la passion et à la corruption, la tâche de Cooper n’est pas aisée : entre les enfants de la victime, très attachés à leurs origines afrikaner et à leurs privilèges, et la Security Branch, l’unité politique de la police sud-africaine dotée de tous les droits et obsédée par la traque des éléments communistes, il devra louvoyer et prendre de gros risques, ne pouvant compter que sur l’aide d’un énigmatique médecin juif devenu épicier et d’un agent de police zoulou élevé avec la victime.

Justice dans un paysage de rêve dépeint le monde abject des lois discriminatives et des mentalités racistes. C’est donc dans une ambiance délétère que Cooper lutte pour connaître la vérité en évitant le pas de côté qui signerait son arrêt de mort. Car, alors qu’il avance par petites étapes vers la vérité, ce qu’il  découvre est ce que d’autres auraient voulu voir rester caché, tant il y va de la protection des apparences et des respectabilités. La fin de l’histoire n’en est que plus tragique.

En Afrique du Sud, les Noirs avaient besoin de si peu. Un peu moins chaque jour, c'était la règle générale. Le métier d'inspecteur était l'un des rares à ne pas être soumis à la loi interdisant le contact entre les races. Les inspecteurs de police révélaient les faits, présentaient le dossier et fournissait des pièces à conviction au tribunal pour étayer les charges. Commis par un Blanc, un Noir, un métis ou un Indien, le meurtre était un crime capital quelle que fût la race de son auteur.

Malla Nunn possède un talent indéniable pour plonger ses lecteurs dans l’époque la plus sombre de l’Afrique du Sud et en restituer la réalité. Avant elle, peu d’auteurs s’y étaient aventurés, si ce n’est James McClure en 1971 avec Le cochon qui fume ou Le flic à la chenille et, dans un domaine plus satirique, Tom Sharpe avec Mêlée ouverte au Zoulouland en 1973. Mais ceux-ci vivaient la situation en direct si l'on peut dire.

Les personnages de Justice dans un paysage de rêve, Cooper en tête, sont attachants (on les retrouve dans trois romans qui suivent cette première enquête), l’intrigue est bien construite, les rebondissements s’enchaînent, le suspense est garanti. Un peu trop peut-être, le côté spectaculaire – agressions, menaces, passages à tabac… – occultant parfois ce qui fait le véritable intérêt du roman.

Malla Nunn, Justice dans un paysage de rêve (A beautiful place to die, 2008), © Paris, Editions des 2 terres, 2011.     

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Tag(s) : #Afrique du Sud, #Romans en anglais, #Afrique australe
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