Kouty, mémoire de sang raconte l’histoire de Kouty, seule survivante, alors qu’elle n’était qu’une fillette, du massacre de sa famille par des pillards Touaregs pour cause de mésalliance : Fathy, sa mère, une Targui, avait épousé un Peul, donc descendant d’esclave. Recueillie ensuite à Bamako par deux femmes de cœur, elle murit un long plan de vengeance qu’elle accomplit sans faiblir ni faillir.
Soudain, la blancheur du ciel matinal vira à l'ocre. Un gros nuage de poussière envahit l'espace et le silence qui régnait sur le quartier fut déchiré par les vrombissements de moteurs puissants. Pendant un court instant, Ousmane resta debout près de sa femme, pétrifié, le regard fixé sur l'horizon. Puis il se ressaisit, se tourna vers sa compagne et lui ordonna d'aller se réfugier dans la maison avec les enfants.
Il vit alors les Land Rover s'arrêter et une vingtaine d'hommes enturbannés, armés de Kalachnikov et de coupe-coupe, en surgirent. Ils se dirigèrent vers un ensemble d'habitations par groupes de trois ou quatre, et, à l'aide de leurs armes, défoncèrent les portes.
Les Tall se précipitèrent chez eux et, peu après, ils entendirent les Touareg qui forçaient la porte. Tout se passa très vite. Ousmane se saisit de son couteau tandis que Fathy faisait sortir Kouty par la fenêtre de la chambre. » (2002 : 7-8).
On peut trouver cette Tragédie de la vengeance, un genre très prisé à la fin de la période élisabéthaine, d’un manichéisme simpliste : la jeune, belle et intelligente Kouty se venge des innommables qui ont massacré sa famille. On peut aussi se poser la question de la légitimité de cette vengeance – peut-on exercer sa propre justice – sauf à accepter les règles d'un genre très présent dans le roman policer zt, au cinéma, dans le western.
Cela dit, il est difficile de croire qu’une pure et innocente jeune fille puisse d'une part cacher à son entourage le drame dont elle a été témoin et d'autre part se transformer en tueuse de sang froid. Car le désir de vengeance est une chose et le passage à l’acte une autre : si les premiers assassinats perpétrés par Kouty sont déjà peu crédibles du fait du rapport de force physique, l’élimination du dernier tortionnaire, conçu comme une machination sans faille, laisse perplexe.
Le roman souffre ussi d'un style souvent naïf et une construction alternant sans grande cohérence la relation des faits propres à la vengeance de Kouty – repérage, préparation et exécution – et des développements sur la réalité économique, politique et sociale du Mali. Comme ce passage relatant les événements de 1991 à Bamako :
Les jours qui suivirent virent s’amplifier les mouvements de grève, qui s’étendaient maintenant à tous les secteurs. L’insécurité régnait dans les rues de Bamako. Dès les premiers jours de mars, Kouty, obsédée par l’élimination de sa troisième proie, comprit tous les avantages que le désordre civil pouvait avoir dans l’accomplissement de sa vengeance. Mars 1991. Mois terrible. Mois horrible durant lequel la haine déferla sur la capitale, embrasant aussi le pays. (2002 : 89)
Kouty, mémoire de sang, initialement publié en 1998 à Bamako, a été réédité en 2002 dans la collection Série noire et présenté alors comme « le premier roman noir écrit par une jeune femme africaine ». Argument commercial certes, mais la précision n'est pas inutile, les auteurs africains de romans policiers n'étant pas nombreux et les auteurs femmes encore plus rares. Cela ne fait pas de ce roman une œuvre extraordinaire, même s'il a le mérite d'apporter un éclairage utile sur les relations et les violences interethniques au Mali, toujours d’actualité en 2022. En ce sens il s'inscrit dans cette littérature de la dénonciation qui est une des caractéristiques su roman policier africain.
DIALLO Aïda Mady (2002), Kouty, mémoire de sang, Paris, Gallimard, coll. Série noire.