Dans la production africaine du roman policier, il faut mettre à part la trilogie Les sentinelles noires d’Alassane Cissé, commencée avec Les sanguinaires en 2014, suivie en 2016 par Crimes et sentiments et dont le troisième volume est annoncé. Ni roman à suspense ni thriller, Les sanguinaires ne raconte pas non plus une véritable enquête puisque les coupables sont pris la main dans le sac lors d’un cambriolage à Dakar. Le premier chapitre – Banjul-Dakar : la cavale sanglante – se clôt sur cette arrestation après qu’aient été longuement décrits les méfaits d’une bande qui n’en était pas à son premier forfait et n’hésitait pas à user de la plus grande violence. Le roman policier s’efface alors devant le roman judiciaire, un genre prisé des auteurs anglo-saxons qui n’est pas centré sur la découverte de l’identité du coupable, mais sur la recherche de la vérité par la justice.
Les sanguinaires part des exactions et de la cavale de Jonathan Bedimo et de Alboury Lô pour aboutir à l’instruction et au déroulement de leur procès devant une cour d’assises dont est décrit avec précision le fonctionnement. Il lui permet ainsi à l’auteur, fort d’une longue carrière d’avocat au barreau de Dakar, de fournir de nombreuses précisions sur les procédures légales, tout en ne négligeant pas pour autant le fil de l’histoire et en décrivant longuement les méfaits de Bedimo, un Gambien coupable de vols et de meurtres dans son pays et au Sénégal, de son complice Lô et de leurs acolytes. Dans une double narration – la présentation des faits par l’auteur en début de roman et les réponses des accusés au cours de leur procès – les révélations s’enchaînent et apportent un peu de rythme à un roman très technique et descriptif. On peut ici regretter qu’Alassane Cissé n’ait pas profité de son expérience professionnelle pour proposer un verbatim des plaidoiries et se soit contenté de les relater en style indirect.
Écrit sans fioritures, tantôt comme un rapport d’enquête, un procès-verbal ou même un arrêt de tribunal, Les sanguinaires est un roman atypique, souvent ennuyeux parce que trop didactique – on pense parfois lire un code de procédure pénale – mais qui peut apporter à des lecteurs, néophytes ou non en matière de droit, des informations intéressantes, voire utiles. Il mérite donc d’être signalé pour son originalité dans le monde du roman policier africain. Notons aussi, qu’à travers les enquêtes de personnalité des suspects et leurs interrogatoires au tribunal, le roman pose la question des réfugiés et des expatriés, soumis aux aléas des guerres et des coups d’Etat.
Alassane Cissé (2014), Les sanguinaires Paris, L’Harmattan.
Alassane Cissé – Sénégal
Avocat au barreau de Dakar, Alassane Cissé a commencé la série Les sentinelles noires par Les sanguinaires (2014), suivi de crimes et sentiments (2016). Ces romans font une large place à la procédure judiciaire, un sous-genre peu courant dans le roman policier africain. Il a publié en 2019 Jusqu’aux frontières de l’enfer.