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Clemencia Garises, une inspectrice damara1 de la police de Windhoek, la capitale de la Namibie, est chargée d'enquêter sur une série de crimes considérés comme crapuleux, jusqu’à ce que l’affaire prenne une dimension politique quand il apparait que les victimes étaient d’anciens membres du Civil Cooperation Bureau, une unité secrète sud-africaine de contre-insurrection, soupçonnés d'avoir été complices en 1990 de l'assassinat d'Anton Lubowski, un avocat blanc membre de la SWAPO, l’organisation pour la libération de la Namibie.

Acheson leur raconta son histoire comme s’il parlait à des touristes venus faire un safari sans aucune idée de la situation. Il était revenu dans le sud de l’Afrique en 1997 parce qu’il en avait marre de l’Europe – trop d’imbéciles, pas de place, pas de liberté. La Namibie n’avait pas été son premier choix, mais les choses étaient encore pires au Zimbabwe, en Angola et en Afrique du Sud. Quand des amis l’avaient informé qu’une concession à vie était disponible sur cette ferme, il avait donc sauté sur l’occasion. Ici, il pouvait être son propre chef, les Noirs avaient encore du respect, et, en organisant des safaris, il s’en sortait plutôt bien. (2013: 187-188)

L'heure du chacal associe l’enquête criminelle et les considérations sur l’histoire de la Namibie, une ancienne colonie allemande placée en 1920 sous mandat du Royaume-Uni et donc de l’Afrique du Sud, profondément marquée par le massacre d’une grande partie de sa population au début du siècle dernier2 et par l’apartheid. Bernard Jaumann, à travers la description de Windhoek, entre les quartiers chics ombragés par les jacarandas où vivaient les victimes derrière la protection toute relative des grilles électriques et le township de Katutura où vit l’inspectrice, dans la poussière et le bruit des shebeens, les bars clandestins, décrit les relations conflictuelles entre communautés blanches et noires. C'est aussi une évocation forte de la vie de Clemencia, entre une famille très présente dont elle doit subvenir aux besoin et un travail qu'elle fait avec conscience, indifférente aux obstacles et aux pressions qu’elle rencontre sur son chemin.

Il était 22 h 27 lorsque l'inspectrice Clemencia Garises fut informée du meurtre sur son téléphone portable. Lorsqu'elle reçut l'appel, elle se trouvait chez elle, à Katutura, et comme le volume de la télévision était monté au maximum, elle dut hurler dans le téléphone pour qu'on lui envoie une voiture. Son collègue du standard, maussade, lui rappela qu'on était dimanche soir, mais qu'il allait quand même voir ce qu'il pouvait faire. Cela signifiait qu'il ne ferait strictement rien et qu'elle serait bien avisée de se prendre un peu moins au sérieux. (2013 : 12)

1-La Namibie comprend plusieurs populations dont les principales sont les Ovambos, les Hereros, les Namas et les Damaras.

2 -  Le processus de conquête du Sud-Ouest africain allemand (Deutsch-Südwestafrika) a entrainé le massacre programmé des Héréros et des Namas entre 1884 et 1911. Considérées comme le premier génocide du 20e siècle, ces exactions ont entraîné la mort de 80 % des autochtones et de leurs familles, soit 65 000 Héréros et près de 20 000 Namas

L'heure du chacal, trad. fr. de Die stunde des Schakals (2010) par Céline Maurice, Paris, Le masque, 2013.

Bernhard Jaumann (1957-) – Allemagne

Bernhard Jaumann est né à Augsburg en Allemagne. Après quelques années dans l’enseignement, il choisit de se consacrer à l’écriture et publie plusieurs romans policiers dont deux séries, Schleewitz, et Montesseco. Il vit à Windhoek, en Namibie, où se déroule L’heure du chacal. Cette première enquête politique d’une jeune inspectrice damara a été suivie par De roche et de sable (2013), qui évoque des tensions entre fermiers sur fond de réforme agraire, et Der lange Schatten (2015, non traduit), un thriller politique dans lequel Jaumann revient sur l’époque coloniale allemande et sur les crimes de masse qui y sont associés tout en y mêlant la question des orphelins africains adoptés par des familles occidentales.

Tag(s) : #Namibie, #Romans en allemand, #Afrique australe
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