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Toute le monde court après tout le monde dans La traque de la musaraigne : Jésus Light court après Pamela, qui, après avoir changé de nom, court après Stéphane qui, lui, court après sa « verticalité intérieure ». Ce roman noir qui n’est pas vraiment un roman policier – pas d'enquête, pas de mort, pas de flic – raconte les aventures (ou plutôt les mésaventures) africaines d’un Breton un peu poète et pas mal paumé, égaré entre Porto Novo et Cotonou. Entre Béninoises (en pagne ou en bouteille), Objets Voyous Non Identifiés, Français à la « la tropicalité dans les os » et femmes aussi fatales que vénales, Stéphane Néguirec, qui se veut un homme aux « semelles de vent » va son chemin, plutôt une errance parsemée d’embûches et ponctuée par quelques raclées.  

Cotonou. L’air chaud. Les plaintes hâlées de la mer. Les rires ombrageux des petites gens. Les rondeurs ovales de la Béninoise, en pagne ou en bouteille. Et les nuits brassées par les bruits des zomatchis, ces motos-taxis au ventre dégoulinant d’essence kpayo… 

Dès que ses mains effeuillèrent l’air du pays, Stéphane fut convaincu d’une chose : ce serait sa terre d’élection, où sa halte se confondrait avec ses respirations. D’ailleurs, il eut l’intuition que les gens, les paysages, les odeurs, appartenaient à sa « verticalité intérieure ». Et même si c’était la toute première fois que ses pas mordaient dans la chair de cette terre, il avait la sensation d’y avoir déjà vécu. (2017 : 59)

De zem en fula-fula, de 505 Peugeot en 4x4, Stéphane trouvera sur sa route des personnages pittoresques (picaresques), petites gens et grands cœurs mais aussi braqueurs de banques ghanéens et terroristes islamistes en quête d’occidentaux monnayables sur le marché des otages. Car si les protagonistes, on n’ose parler de héros1, de La traque de la musaraigne sont de doux paumés, des femmes et des hommes en quête de rédemption qui n'attendent qu’un petit signe pour se lancer dans une nouvelle vie, ceux qui les poursuivent sont prêts à tout.

Divertissant, servi par un bon rythme  même si celui-ci se relâche un peu entre un début tonitruant et une fin haletante – et des personnages attachants bien que manquant parfois d’épaisseur, La traque de la musaraigne dresse aussi par petites touches un portrait sévère du Bénin : corruption à tous les niveaux, sexe et prostitution, argent facile et trafics divers. On retrouve aussi dans ce roman l'écriture très imagée de Florent Couao-Zotti dans laquelle se télescopent le meilleur français, un argot parfois très cru, des expressions locales et des proverbes ou adages personnels. Cela donne une langue riche et truculente, souvent empruntée au glossaire de la rue, qui rend à merveille l’ambiance de la ville et la personnalité des personnages.


1. A l’exception de Pamela/ Déborah, la jeune ghanéenne en cavale après avoir fauché à ses complices l'argent d'un casse, qui fait preuve d’un solide culot et d’une belle vivacité et dont Florent Couao-zotti dresse un beau portrait.

La traque de la musaraigne, Marseille, Jigal, 2017.

Florent Couao-Zotti (1984-) – Bénin

Après une maîtrise de lettres à l'Université nationale du Bénin et un diplôme de journalisme, Florent Couao-Zotti a travaillé en Côte-d’Ivoire comme professeur de français avant de rentrer au Bénin. Au début des années 1990, sous l'ère du Renouveau démocratique, il occupe successivement les fonctions de rédacteur en chef de deux journaux satiriques, Le Canard du Golfe et Abito, puis tient la chronique culturelle dans des quotidiens de Cotonou. Son premier roman, Ce Soleil où j'ai toujours soif (1996) est une réflexion sur le processus démocratique en Afrique noire. Parmi ses autres publication : Les Fantômes du Brésil (2006), Poulet-bicyclette et Cie (2008), Si la cour du mouton est sale, ce n'est pas au cochon de le dire (2010) et, en 2018, Western Tchoukoutou, un western béninois.

Tag(s) : #Bénin, #Romans en français, #Afrique de l'Ouest
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