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Dans la province du Cap-Nord, à la lisière du Kalahari, près de la frontière du Botswana, Freddie Swarts, une artiste-peintre et Klara, la jeune métisse qu’elle avait adoptée, ont été sauvagement assassinées dans la ferme où elles vivaient. Détail troublant, le meurtrier a mis le crime en scène en s’inspirant d’un des tableaux de Klara. Un peu plus tard, alors que des vols de bétail se multiplient dans la région, d’autres meurtres sont commis, ce qui conduit des fermiers blancs nostalgiques de la période de l’apartheid à s’organiser en milices armées. L'inspecteur Albertus Markus Beeslaar, tout juste muté de Johannesburg à Upington, une petite ville à une quarantaine de kilomètres du lieu du crime, se rend sur place pour enquêter dans la chaleur du désert. Ses recherches l’amènent à s’intéresser à des questions d’occupation illégale des terres et à des projets immobiliers visant à transformer les fermes en réserves de chasses pour touristes fortunés.

Les milices du Kalahari, à l’intrigue complexe, associe un roman policier classique – trouver le coupable des assassinats de Freddie et de Klara – et le roman noir politico-social sur fond d’intérêts financiers, de querelles familiales, de croyances et de pratiques de sorcellerie. Les conflits raciaux qu’attisent des suprématistes blancs, qui n’ont pas accepté la fin de l’ancien régime, sont aussi au cœur du roman. Karin Brynard, qui a l’expérience du journalisme politique, se livre à une analyse sévère de la réalité sud-africaine avec ses tensions raciales et sociales, son communautarisme, ses difficultés économiques et sa violence aussi présente à la campagne qu’à la ville. Sans oublier le ressentiment de ceux qui se sentent spoliés :

Bon, écoutez-moi bien, inspecteur : je ne suis pas raciste. Je suis un pragmatique, un type ordinaire qui essaie de protéger sa famille, ses amis et lui-même. Je ne peux vous donner aucune assurance quant aux opinions politiques ou religieuses des gens qui ressentent la même chose que moi. Mais que je vous dise un truc ! notre gouvernement n’en a rien à foutre. On nous jette aux chiens. Et il n’est pas question qu’on reste les bras croisés à regarder les choses se produire. Ça, je vous le promets. (2016 : 245)

Le roman vaut aussi par les divers personnages dont Karin Brynard dresse des portraits fouillés. L'inspecteur Beeslaar, « le Grand Homme de la Grande Ville », ancien de la brigade des homicides de Jo’burg, est à l’image de Benny Griessel, le héros récurrent de Deon Meyer, et traîne la même addiction aux boissons fortes et les mêmes problèmes sentimentaux. Il a de plus bien du mal à se faire aux coutumes locales. Dam de Kok, le coupable idéal, est un Bushman cultivé et énigmatique. Mlle Viljoen est une femme d'affaires ambitieuse qui est prête à tout pour mener à bien ses projets de promotion immobilière. Les fermiers blancs, enfermés dans leurs certitudes, sont bien décidés à régler les comptes par eux-mêmes.

Un roman aux nombreux rebondissements donnant à voir la réalité sud-africaine dans toute sa complexité, qui place Karin Brynard aux côtés d’un Mike Nicol ou d’un Deon Meyer, qui ont tous les deux salué ce premier livre.

Les milices du Kalahari, trad. fr de Plaasmoor (2009) par Estelle Roudet, Paris, Seuil, 2016.

Karin Brynard (1957-) – Afrique du Sud

Karin Brynard est journaliste et auteur de roman policier en afrikaans. Elle a également travaillé comme traductrice au ministère sud-africain de la Santé et du Bien-être social. Après Les milices du KalahariOnse Vaders (Nos pères, non traduit) reprend le personnage de l’inspecteur Markus Beeslaar pour une enquête qui le conduit à Stellenbosch pour le meurtre d’une femme d’affaires, et à Soweto sur les traces d’une femme enlevée avec son enfant.

Tag(s) : #Afrique du Sud, #Romans en afrikaans, #Afrique australe
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