Au ras des hommes marque le retour du capitaine Koumba et de son adjoint Owoula, les deux brillants éléments de la section criminelle de la Police judiciaire de Libreville. On les avait quittés dans Le Festin de l’aube, où, en liaison avec leurs meilleurs ennemis de la Gendarmerie, ils menaient une enquête sur un vol d’armes et de munitions dans un dépôt de l’armée.
Le roman commence par un massacre, quand un tireur fou tue plus de dix personnes et en blesse encore plus en plein centre de Libreville avant de tenter de se suicider. L’affaire, qui traumatise la population, laisse la police perplexe car, une fois identifié, l’assassin se révèle être un homme simple et tranquille, employé comme surveillant dans un orphelinat. Quelques jours plus tard, un jeune homme s’en prend à des lycéens avant lui aussi de mettre fin à ses jours. L’enquête montrera que la vengeance et la politique sont derrière ces deux affaires.
Au ras des hommes est un bon exemple de ce roman policier africain que j’ai essayé de le définir dans Le roman policier africain – Regards critiques sur des sociétés en mutation : une littérature de dénonciation qui, à partir de faits-divers apparemment déconnectés, permet aux auteurs « de parler de l’Afrique telle qu’elle est, de donner à voir sans fard la réalité du Continent, dans toutes ses composantes politiques, sociales, économiques, religieuses, culturelles, etc. » Chez Janis Otsiemi, l’un des rares écrivains africains francophones à avoir choisi quasiment exclusivement le genre policier, cela passe par l’évocation des luttes politiques et du désenchantement qui succède souvent à la victoire,
Koumba était fier d’avoir participé à un pan de l’histoire de son pays, même s’il avait fini par déchanter par la suite. (2024 : 25)
de la corruption à tous les niveaux, des scandales touchant le clergé… Cela avec pour en toile de fond les campagnes électorales gabonaises, passées comme celle qui vit la défaite de Jean Ping en 2016, ou futures :
Attendez-vous à d’autres tentatives de libération d’ci peu. Nous sommes plus nombreux que vous. (20224 : 100)
Le lecteur aura plaisir à retrouver dans ce court roman au rythme soutenu et au vocabulaire toujours imagé les deux enquêteurs de la PJ, même si depuis African Tabloïd, ils se sont assagis et se comportent plus en véritables professionnels qu’en ripoux notoires. Leurs enquêtes sont précises et le travail de procédure – rappel des faits, mobilisation des différents services de la PJ, interrogatoires – est clairement décrit. On peut toutefois regretter qu’après une longue introduction le dénouement soit amené brièvement et un peu trop facilement. Mais c’est un reproche qui s’applique souvent au roman policier.
Otsiemi, qui a publié plusieurs fois chez Jigal, l’éditeur marseillais de romans policiers aujourd’hui malheureusement disparu, a choisi pour Au ras des hommes Les lettres mouchetées, un éditeur congolais de Pointe Noire. L’impression est de qualité et la couverture attrayante. On ne peut que souhaiter que d’autres maisons d’éditions d’Afrique s’intéressent au roman policier.
Janis Otsiemi, Au ras des hommes © Les lettres mouchetées, 2024.