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Béatrice Fosso-Cooper, une jeune avocate d’origine camerounaise exerçant à Paris, est amenée à défendre un guérisseur sénégalais, accusé d’être impliqué dans la mort de cinq personnes qui souffraient d’un cancer et étaient pourtant en rémission après ses soins. Si quatre d’entre elles sont africaines, la cinquième est un homme d’affaires européen. Quand Béatrice apprend que celui-ci était en relation avec les dirigeants d’une multinationale pharmaceutique spécialisée dans les produits anti-cancéreux dont son mari, Patrick, est le responsable en France, il est trop tard pour faire marche arrière. Avec les qualités qui sont les siennes, professionnalisme, courage et opiniâtreté, elle va défendre son client, tout en tentant de préserver son mari, avant de s’apercevoir qu’elle a affaire à beaucoup plus fort qu’elle. S’engage alors le combat de David contre Goliath, des gentils contre les requins, un combat où l’humanité et la solidarité ne pèsent guerre contre l’argent et les intérêts des actionnaires.  

En réalité, Béatrice était au cœur d’un formidable conflit d’intérêt qui se couplait d’une névrose. Son surmoi lui recommandait de se déporter d’un dossier comme l’exigeait la déontologie, mais son désir honteux, refoulé dans les profondeurs de son inconscient, lui criait de protéger son mari, impliqué ou pas dans l’affaire. (2024 : 83)

L’affaire Sylla débute par une double enquête, celle de la police judiciaire et celle que mène l’avocate. Les péripéties s’enchaînent, les arrestations comme les interrogatoires, ce qui donne quelques fortes séquences dans les locaux de la PJ et chez le juge d’instruction puis, dans la foulée, aux assises. Ce n’est pas à proprement parler un roman judiciaire, l’unique scène de prétoire se résumant à des échanges entre la cour et les défenseurs des accusés, et nous sommes loin des romans de l’Anglaise Anne Perry dans lesquels, comme le permet le système judiciaire anglo-saxon, de brillants avocats apportent des preuves irréfutables devant la cour et confondent les coupables. Roman de procédure tout d’abord, L’Affaire Sylla prend rapidement le rythme d’un thriller efficace. Harcelée, menacée par des individus qui se croient dans la toute-puissance et qui ne veulent pas perdre leurs dividendes et encore moins leur liberté, il faudra beaucoup de courage et d’imagination à Béatrice pour réussir à sortir à peu près intacte de cette situation. Mais ce succès ne sera que partiel et peut-être illusoire.

Bien que la communauté d’origine africaine vivant à Paris, toutes classes sociales confondues, soit présente dans L’affaire Sylla, Solange Siyandje fait peu de place aux considérations sur les conditions de vie, souvent difficiles, de ces hommes et de ces femmes, comme l’ont fait avant elle Achille Ngoye dans Ballet noir à Château-Rouge, Bolya dans La polyandre ou encore Alain Mabanckou dans Tais-toi et meurs. Le seul personnage véritablement fouillé est Moussa Sylla, homme d’une grande sagesse et d’une grande humanité, guérisseur des corps comme des âmes, et embarqué malgré lui dans une aventure dont sa famille paiera un prix fort. Brillant adepte de l’ethnomédecine, n’ignorant pas que sa pratique est en marge de la légalité, Sylla sait aussi que les résultats qu’il peut obtenir valent la peine de prendre des risques : « Celui qui désire le miel doit supporter la piqure des abeilles ». De plus, le fait qu’une compagnie pharmaceutique s’intéresse à ses traitements, remettant en question l’opposition entre tradition et modernité, ne cautionne-t-il pas son travail ?

Je ne suis pas un marabout, même si c’est l’appellation qu’on a choisi de me donner par facilité. Je suis un guérisseur. C’est très différent. Je ne fais pas de magie, maître. J’ai un don. Je soigne par les plantes que j’ai longuement étudiées, par mes mains qui émettent des vibrations apaisantes et par la prière qui est absolument puissante. C’est tout et rien de plus. (2024 : 142)

L’affaire Sylla se lit avec plaisir. La jeune avocate, aidée par quelques amis et même par un confrère ex-adversaire dans les prétoires, est une enquêtrice convaincante. Femme trahie et humiliée, malmenée par les événements, elle reprend force et énergie dans les dernières pages du roman. De quoi laisser penser que ses aventures ne sont pas terminées et qu’il lui reste encore à faire pour clore définitivement l’affaire.

Solange Siyandje, L’affaire Sylla © Gallimard, Série noire, 2024.

Je remercie les éditions Gallimard de m’avoir procuré ce roman avant sa parution en librairie.

Tag(s) : #Afrique hors d'Afrique
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