Les archives secrètes du B.S.I. est une série de romans publiés en 1976 par ABC (Afrique Biblio Club), une maison d’édition parisienne aujourd’hui disparue. Dirigée par François Poli (1925-1990), romancier et reporter, collaborateur d’Afrique Action et de Jeune Afrique, la collection comporte huit romans écrits par six écrivains dont Jean-Pierre Dikolo pour trois d’entre eux. Aucune information n'étant disponible sur les auteurs, on peut se demander si ceux-ci existent vraiment ou s’il s’agit d’un artifice de l’éditeur et du directeur de collection (qui lui est bien réel) pour appâter le lecteur. Les couvertures sont de Jean-Marie Ruffieux (1936-2002), un auteur et illustrateur connu comme dessinateur de bandes dessinées historiques.
Si l’on se réfère au roman policier et au roman d’espionnage africains, Les archives secrètes du B.S.I. occupe une place à part, historiquement d’abord, car nous sommes, en 1975, aux origines du genre, mais surtout au niveau des thématiques. Loin d’être de simples espions cherchant à s’approprier des secrets d’Etat ou à les protéger, les agents du Bureau Spécial d’Intervention, qui est financé par les Etats indépendants d’Afrique et dont le siège est à Addis-Abeba, ont pour mission « de parer aux agressions graves, d’où qu’elles viennent, dont le Continent africain peut être la victime ». Les machinations auxquelles le Bureau doit faire face concernent de ce fait la politique et l’économie comme les intérêts stratégiques. Les terrains des opérations sont variés, l'Afrique bien sûr, mais aussi l'Amérique du Nord avec des incursions en Europe. La collection tient donc autant du manifeste politique que du roman d’espionnage, en ce sens que les agents dépendent d’une structure purement panafricaine, soucieuse de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats : une modeste force d’intervention de l’O.U.A. (devenue aujourd’hui l’Union africaine) avant la lettre.
Bien que le B.S.I., dirigé par un homme désigné comme « le vieux », soit composé de quinze agent anonymes connus uniquement par leur surnom – Jaguar, Chat, Cobra… – un seul, héros récurrent, tient un rôle central dans les épisodes, comme le montre la place qu’occupe son nom sur les couvertures : Scorpion l’Africain. Seul contre tous, le sort de son cher « pays », l’Afrique, dépend de lui.
Ces huit romans très courts (moins de cent pages), assez naïfs dans le déroulement de l’intrigue, occupent une place à part dans l’histoire du roman policier africain. Parce qu’ils figurent parmi les premiers, en particulier pour la littérature francophone, d’un genre qui n’aura pourtant que peu de représentants. D’autres auteurs créeront des agents luttant contre les menaces ciblant leur pays, mais ne reprendront pas l’approche panafricaine dans la gestion des crises qui est la marque des archives du B.S.I. A l’exception de Guy Josué Foumane dont Les disparus d’Abomé (2010) raconte la mission d’hommes de l’Agence Panafricaine d’Investigations, financée par les États africains et chargée de combattre la criminalité sur la totalité du Continent.
MAAROUF Aziz, Le Tueur d'élite (Dossier n°1 : Kinshasa)
Economie et spoliation des richesses. Néocolonialisme.
Une série de meurtres touchant aussi bien des cadres supérieurs qu’un modeste coiffeur est attribuée à un tueur en série. Mais nous sommes dans le roman d’espionnage, pas dans le simple polar et le B.S.I. va s’intéresser à des spoliations dont serait victime le Zaïre.
KAPOKO Omar, Les statuettes sanglantes (Dossier n°2 : Monrovia)
Spoliation des œuvres d’art.
Un thème classique avec de respectables commerçants cachant de redoutables malfrats spécialisés dans le vol et la vente d’œuvres d’art. L’UNESCO enquête avec le soutien de Scorpion et du B.S.I.
DIKOLO Jean-Pierre, Athlètes à abattre (Dossier n° 3 : Montréal)
Dopage et mise en cause des athlètes africains et de l’Afrique.
Des êtres sans scrupules au service de la mafia nord-américaine tentent de discréditer des athlètes africains et le Continent tout entier à la veille des Jeux olympiques de Montréal.
FALL Sidiki, Les affameurs (Dossier n° 4 : Sahel)
Relations Est-Ouest et aide alimentaire.
Alors que des hommes, des femmes et des enfants meurent de faim et de soif dans la zone sahélienne, des millions de tonnes de céréales ont disparu. Qui est derrière tout cela ? Scorpion doit aussi découvrir pourquoi l’Union soviétique n’est pas partie prenante dans l’opération d’aide alimentaire montée par la F.A.O.
DIKOLO Jean-Pierre, Main blanche sur la ville (Dossier n°5, Floride)
Racisme et xénophobie aux Etats Unis.
A l’occasion d’une mission de protection de délégations africaines à l’O.N.U., Scorpion se rend dans une petite ville de Floride pour rencontrer le père d’une de ses collègues, tué en opération. Il va devoir faire face au racisme et s’opposer au Klu Klux Klan local.
DIKOLO Jean-Pierre, Machines à découdre (Dossier n°6 : Angola)
Luttes politiques et trafic d’armes.
Les caisses que transportait un cargo ne contenaient pas que des machines à coudre à destination du Chili… Mais à qui étaient destinées les armes ? Entre l’Éthiopie, l’Allemagne, le Portugal et le Congo, à Scorpion de le découvrir.
KAKOU Julien, Trafic d’âmes (Dossier n°7 : Dakar)
Politique-fiction. Science et pouvoir politique.
On parlait encore de « savants fous » en 1975, à la tête d’organisations secrètes pour devenir les « maîtres du monde ». Trafic d’âmes commence comme un fait divers avant de plonger dans un délire de politique-fiction.
SOW Samba, Vacances chargées (Dossier n°8 : Abidjan)
Corruption et trafic sur les marchés d’attribution de B.T.P.
Comme dans Le tueur d’élite, un assassinat est d’abord considéré comme crapuleux. Mais le B.S.I. sait débusquer bien des choses et va s’intéresser à des compromissions entre le pouvoir et des entreprises de B.T.P.
Difficile de savoir quel succès rencontra la série, en France comme en Afrique. L’éditeur la poursuivit toutefois la même année avec trois autres titres, aux couvertures plus suggestives, dans la tradition des romans d’espionnage populaires d’alors, et mettant en avant le « héros », Scorpion. La numérotation des dossiers est à vérifier.
KAKOU Julien (1976), Le Scorpion noir contre le pouvoir pâle (Les archives secrètes du BSI, n°9), Paris, Afrique Biblio Club.
DIKOLO Jean-Pierre (1976), Le Scorpion noir contre les tortionnaires rhodésiens (Les archives secrètes du BSI, n°10), Paris, Afrique Biblio Club.
KAKOU Julien (1976), Le Scorpion noir contre la diabolique Mme Attaway (Les archives secrètes du BSI, n°11), Paris, Afrique Biblio Club.
Pour aller plus loin sur Les archives secrètes du B.S.I., l’article de Désiré Nyela (Université Sainte-Anne, Canada) Trafic de regards - Considérations sur le roman d'espionnage africain fournit une analyse complète des huit premiers romans.