Le continent africain a souvent inspiré la littérature d’espionnage, généralement friande d’un exotisme souvent de pacotille. En témoignent des livres par les maîtres du genre que furent Paul Kenny (Coplan), Jean et Josette Bruce (OSS 117), Gérard de Villiers (SAS) et Claude Rank avec des titres évocateurs comme Congo à gogo pour OSS 117, Sensuelles Seychelles pour Coplan ou SAS broie du noir. Mais, en 1985, nous sommes aux débuts du roman policier africain et des romans d’espionnage écrits par des Africains. S’il y a eu des précédents, en particulier Jean-Pierre Dikolo et la série des Archives secrètes du BSI en 1976, le genre est resté confidentiel.
Cameroun/Gabon : le D.A.S.S. monte à l’attaque est fidèle au thème qui prévalait du temps de la guerre froide, les bons (à l'Ouest) contre les méchants (à l'Est). Il y est donc question en arrière-plan d’agents du KGB trafiquant depuis l’Angola des armes destinées aux ex-gendarmes katangais opposées aux forces régulières zaïroises du Shaba.
La traque des agents soviétiques, qui ne reculent devant rien pour sauver et leur cause et leur peau, s’organise entre le Cameroun et le Gabon, menée par un agent surnommé le Baron, le numéro 2 du Département action des services secrets camerounais (D.A.S.S.), qui devra user de tous ses talents pour réussir. Les morts s’accumulent, les conquêtes féminines aussi… Car le roman satisfait aux canons du genre : exotisme ou plutôt ici couleur locale, action et violence, érotisme, sans oublier les références à des marques commerciales internationales (voitures, alcools) et locales (entreprises, matériaux, hôtels).
Le Baron était couché sur le dos, Arlette vautrée sur lui. Le Moët et Chandon, dont les deux coupes posées sur le guéridon portaient encore un fond, avait subitement mis le feu dans leurs nerfs. Sans savoir comment, le couple s’était retrouvé dans le lit-princesse pour une étreinte qui permit à l’un et à l’autre de découvrir l’intensité du brutal désir latent qui sommeillait en lui.
Qu’importe qu'Evina Abossolo soit influencé par Gérard de Villiers ou que Cameroun/Gabon : le D.A.S.S. monte à l’attaque soit un pastiche réussi des SAS, on se laissera prendre à cette histoire d’espionnage en Afrique centrale. C’est assez enlevé, bien qu’un peu naïf et parfois assez énorme, comme le final qui ne déparerait pas les dernières pages d’un James Bond. L’écriture, qui se veut soignée et imagée, a quand même pris un coup de vieux, surtout si l’on se réfère à des auteurs comme Achille Ngoye ou Janis Otsiemi. Mais, finalement ce roman d’espionnage africain est très sympathique !
Evina Abossolo, Cameroun/Gabon : le D.A.S.S. monte à l'attaque © Paris, L'Harmattan, coll. « Polars noirs », 1985