La présence de ce qui pourrait être des restes humains dans une case du village de Sonokrom suscite une grande émotion, tant parmi la communauté locale que chez la jeune femme à l’origine de la découverte. Celle-ci étant la maîtresse en titre d’un ministre, l’affaire prend vite une dimension politique et la police d’Accra est chargée de l’enquête. Ce qui fait l’affaire de l’inspecteur principal Donkor qui se verrait bien gagner quelques galons dans l’aventure. Sauf que certains indices dépassent les compétences de son équipe et que la présence d’un médecin légiste ayant de solides notions de police scientifique serait bien utile.
Notre quelque part est donc l’histoire de Kayo, un jeune et brillant légiste tout juste rentré d’Angleterre où il a étudié et collaboré avec la police des Midlands. Il n’est toutefois pas prêt à travailler avec la police ghanéenne, jusqu’à ce que celle-ci l’enlève et lui fasse une proposition qu’il ne pourra pas refuser… Kayo a longtemps vécu loin du Ghana et sa connaissance du pays est limitée à la capitale. Son arrivée et son séjour à Sonokrom vont donc lui réserver quelques surprises et lui demander de grandes facultés d’adaptation. Il y rencontre un vieux chasseur gardien de la mémoire, le guérisseur local, un malafoutier et un mystérieux musicien, et y récolter témoignages et informations tout en buvant nombre de calebasses de vin de palme.
Notre quelque part (Tail of the Blue Bird) mêle le roman policier classique - enquête de proximité et travail scientifique - et le conte traditionnel, porté par les récits édifiants de Yao Puku, le chasseur. En plus de la recherche de la vérité, c’est aussi un roman d’initiation dans lequel s’opposent les cultures africaines et européennes, les mœurs villageoises et urbaines, la tradition et la modernité. Garçon rangé qui vit chez ses parents, sérieux dans son travail, ne buvant pas, respectant ses aînés et traitant les femmes avec respect, Kayo a tout à apprendre ; en dépit de ses qualités et de ses compétences en criminalistique, c'est en écoutant et en interprétant les histoires du vieux chasseur qu'il élucidera le mystère de la case de Kofi Atta.
« Avec le recul, Kayo se demandait si ce n’était pas justement au moment où il avait accédé à la requête de Nana Seykere, lui demandant de laisser Oduro choisir la manière dont on allait se débarrasser des restes, que son enquête avait cessé d’être scientifique. Mais après tout, de quel droit aurait-il pu, lui, Kayo, arriver dans ce village et prétendre balayer d'un geste les traditions de ces gens, leurs coutumes, et précipiter dans le chaos tout un monde, au nom d'une science qui, pourtant, n'était pas dénuée d'incertitude ? » © Zulma, 2014.
Récit poétique dans lequel Nii Ayikwei Parkes mélange les langues – anglais, twi, ga, pidgin –, magnifiquement servi par la traduction en français de Sika Fakambi (ce qui lui a valu le prix Laure Bataillon en 2014), Notre quelque part est un grand roman dans lequel la raison scientifique s’allie à la sagesse traditionnelle pour rechercher la vérité, tout en n’éludant pas les questions de société comme la corruption ou les violences domestiques.
PARKES Aii Ayikwey (2014), Notre quelque part (Tail of the Blue Bird, 2009), Paris, Zulma.