Suite à la découverte du corps d’une jeune étudiante assassinée et mutilée, l’enquête est confiée à une commissaire de la PJ d’Alger. Un prétexte pour Yasmina Khadra de plonger dans le monde politique algérien dominé par les rhoba (les décideurs de l’ombre) et des journalistes véreux aux ordres. C’est donc dans une société algérienne et algéroise qui semble avoir perdu ses repères et ses valeurs que Nora — dont la tâche n’est pas facilitée par quelques machos de son équipe — et ses adjoints poursuivent leurs investigations, ignorant que, dans l’ombre, des figures menaçantes et sans états d’âme sont à l'affût de leurs faits et gestes.
Vous tenez vraiment à savoir pourquoi vous êtes là ? Très bien. Vous êtes là pour le mal que vous avez fait à ce pays, pour nos génies obligés de se prostituer sous d’autres cieux afin de mériter un morceau de sucre, pour ce père contraint de se ruiner afin de payer des cours de rattrapage à son cancre de fils produit par notre école, pour chaque Algérien stressé à mort dès qu’il met les pieds dans une institution algérienne, pour nos jours blancs comme nos nuits, pour toutes nos hontes bues jusqu’à plus soif.
Portrait sans concession de l’Algérie de 2014, Qu’attendent les singes est un excellent polar reposant sur une intrigue solide. Face aux caciques du régime qui ont trahi les idéaux de justice et d’égalité de la guerre d’Indépendance, les figures de Nora et de son adjoint Zine sont attachants, même si on peut les trouver stéréotypés en chevaliers blancs poursuivant le crime. Mais ce roman très noir se lit avec plaisir et peut-être certains verront dans sa conclusion une raison de croire encore à des jours meilleurs pour ce beau pays et ce « magnifique peuple qui est le sien » comme Khadra le fait dire à Zine, le bras droit de la commissaire.
Ceux qui ont aimé ce roman peuvent lire les enquêtes du commissaire Llob dans Le quatuor algérien : La part du mort, Morituri, Double blanc, L'automne des chimères, parus chez Folio Policier.
Yasmina Khadea, Qu'attendent les singes © Paris Julliard, 2014.